Décédé à 93 ans, Robert Hossein a créé le théâtre populaire à Reims

Par Alain Moyat

Le comte de Peyrac abandonne sa marquise. Et le cinéma. Une carte d’état-major dans la poche l’acteur, auteur, réalisateur Robert Hossein débarque à Reims. Pour y créer une œuvre : le TPR.

Mai 1971
« Il m’a paru utile de me mettre à la disposition des autres. J’ai le trac. Je suis sûr, non pas de moi, mais de ce que j’aimerai faire ou tenter de faire. » A 44 ans, acteur comblé, auteur, réalisateur, Robert Hossein qui vient d’achever le tournage de « La part du lion » avec Charles Aznavour, accepte la proposition de la ville de Reims. Moyennant une subvention de 500.000F (l’État met autant au pot) il prend la responsabilité de la création et de l’animation théâtrale de la Maison de la culture.

Un sacré challenge. Fort d’un credo : « Je veux faire du théâtre comme vous n’en avez vu qu’au cinéma, avec musique et lumières, un théâtre lisible et visible qui s’adresse au cœur et aux tripes des hommes » celui qui a choisi une tête de loup pour emblème : « un noble animal, affamé de public et de succès « ,va finalement rester sept ans dans la cité des sacres. Il va y fonder rue d’Anjou, dans l’ancienne manufacture de textile, creuset ensuite du collège littéraire universitaire, le Théâtre Populaire de Reims (TPR).

Doté d’une école qui accueillera plus d’une cinquantaine d’élèves aux plus beaux jours, et non des moindres : Adjani, Huppert, Anémone, Weber, Donnadieu etc, le metteur en scène accouchera de dix huit créations.

VRP dans les comités d’entreprises

« Je veux les 15 000 spectateurs du stade à la Maison de la culture« lance Hossein aux adhérents du Lion’s club. Prenant son bâton de pèlerin, il n’hésite pas à prêcher la bonne parole théâtrale dans les comités d’entreprise, les associations, à la bourse du travail même. Dix huit mille personnes vont applaudir « Crime et châtiments », 25 000 « les Bas-fonds ». Les résultats financiers collent pourtant mal avec l’engouement phénoménal qui fait se déplacer à Reims un public venu de très loin.

« Je souhaite continuer ce que j’ai commencé. C’est une question de moyens » explique Hossein en mars 1972. La ville suit. Et tandis qu’Andréa Ferreol joue les nourrices dans « Roméo et Juliette » elle accorde 1,1MF pour deux ans au responsable du TPR.

Août 1974 : Robert Hossein frôle la mort sur l’autoroute A7. La conductrice du véhicule dans laquelle il a pris place : Michèle Watrin, 24 ans, actrice dans « La Maison des Otages » perd la vie.

Hossein reste à Reims, « travaille comme une fourmi. Ne voit pas le temps passer. ».

Il crée, invente, innove toujours. Inlassablement.

Les rémois apprécient : « Le procès de Jeanne d’Arc », « Des souris et des hommes » etc.

Décembre 1978 : fort « de résultats à 100%, mais avec énormément de dettes personnelles », Robert Hossein présente sa dernière création : « Les loups » de Romain Rolland. Tout un symbole.

Claude Lamblin, nouveau maire rend un hommage appuyé au talent du responsable du TPR : « Vous êtes venu à Reims avec une carrière prestigieuse, vous nous quittez avec une œuvre. » 

Emu Robert Hossein en pleine préparation de « Notre-Dame de Paris » au Palais des sports : « Venir à Reims n’a pas été facile, quitter Reims, ce n’est pas facile non plus. »

1979 : Le centre dramatique national de Reims prévu en 1976 voyait le jour. A sa tête : Jean-Pierre Miquel, professeur au conservatoire national d’art dramatique de Paris.

Rumeurs de come back

Plusieurs fois, il fut question d’un éventuel retour d’Hossein à Reims (1982, 1983, 1985, 1986), mais en vain. Hossein voulait les pleins pouvoirs, « un statut particulier, indépendant, sans avoir à rendre de compte. » Un peu beaucoup pour les responsables de la collectivité redevables des deniers publics.

Éphémère conseiller régional, Pierre-Emmanuel Taittinger, le fils à son père, plaida bien pour un retour d’Hossein (1985) ; pour « un nouveau départ culturel pour Reims et pour Champagne-Ardennes » 

A Reims en 1986 venu présenter son film « Le caviar rouge » de Frédéric Dard, Robert Hossein s’entretiendra avec Jean Falala.

En vain. Ce dernier a depuis longtemps placé sa confiance dans un autre créateur plus en phase, à son avis, avec un développement touristique de Reims : Jacques Darolles.

Alain MOYAT

Retrouvée aux archives de l’union (à la bibliothèque Carnegie) cette coupure de presse d’août 1974 où est relaté l’accident survenu à Robert Hossein qui a perdu sa fiancée Michèle Watrin.

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