Près de huit siècles pour construire la basilique Saint-Remi

Article d’Alain Moyat

Moins connue que la cathédrale de Reims où furent sacrés 31 rois, la basilique Saint-Remi, classée en 1991 au patrimoine mondial de l’Unesco n’en demeure pas moins un superbe édifice étroitement lié aux couronnements royaux qu’elle a aussi connus. C’est dans cette basilique que se trouve en effet le tombeau de l’archevêque Saint-Remi qui renfermait la Sainte ampoule contenant le saint chrême amené à la cathédrale de Reims à chaque sacre royal : le symbole de la grâce, de l’aide que Dieu apporte a celui qui reçoit le sacrement . « A l’origine divine du pouvoir des rois et le symbole de la continuité de la royauté française depuis le baptême de Clovis »  expliquent des historiens.

L’archevêque Saint-Remi portant la Sainte ampoule contenant le saint chrême amené à la cathédrale de Reims à chaque sacre royal

Plus ancien édifice religieux de Reims, la basilique Saint-Remi mi romane, mi gothique trouve ses origines dans le début du christianisme. C’est pour rendre hommage aux premiers chrétiens qui se réunissaient dans les catacombes d’une petite colline toute proche que Saint-Sixte fit construire vers 260 une petite église avec un oratoire consacré à Saint  Christophe. C’est là que Saint-Remi  (436-533) qui présida à la conversion de Clovis au catholicisme,   demanda à être enterré,  la chapelle devenant rapidement un important lieu de pèlerinage.

Si en 760 une abbaye bénédictine s’implante à côté de la petite église  pour garder la châsse de Remi, l’édifice totalement décrépit est détruit en 845. L’archevêque Hincmar le fait reconstruire, plus beau, plus grand (852) . La cathédrale étant en pleine reconstruction trois rois sont sacrés à Saint Remi : Charles III le simple (893), Robert I (922) et Lothaire (954).

Mais une fois encore, la chapelle menaçant ruines et nécessitant une réfection complète est détruite (vers l’an mille). Elle sert  de base  à la basilique actuelle qui demandera pas moins de huit siècles avant d’être achevée. Son millénaire étant officiellement fêté en 2007.

1005-1852 : cent fois sur le métier

L’idée trop ambitieuse de construire une église romane en pierre de taille plombe d’abord la première tranche de travaux. Ni une, ni deux, on détruit une partie de la chapelle pour reconstruire une nouvelle nef, les tribunes et les bas-côtés et mettre une charpente avec du bois de la forêt d’Orbais l’abbaye. En octobre 1049, à l’occasion d’un concile tenu à Reims le pape Léon IX consacre le bâtiment lors du Concile de Reims.

On rapporte que la foule était nombreuse qu’il fallut passer la châsse de Saint-Remi par une fenêtres et qu’il y eut plusieurs morts lors des processions : « les cris des blessés se mêlaient aux chants des psaumes. »

Les années passent et les travaux n’arrêtent jamais.

Le chœur et le sanctuaire sont décorés (1118-1151).  Le porche et l’abside romane sont remplacés par un chœur gothique.

En 1162 Pierre de Celle apporte d’importantes modifications: la nef est prolongée par deux travées gothiques et une nouvelle façade est créée, reliant les deux tours romanes qui sont conservées.Un nouveau chœur gothique avec un déambulatoire et cinq chapelles rayonnantes remplacent le chœur roman .

A partir de 1181 Dom Simon fait surélever et renforcer les murs de la nef de façon à voûter l’édifice.

On croit l’église achevée à la fin du XIIIe siècle.  D’importantes réparations sont nécessaires en 1506 car les murs de la nef construite pour une charpente en bois résistent mal au poids de la pierre. En 1663 un premier contrefort s’effondre.

1774.-Accolée à l’église, l’abbaye royale, l’une des plus riches de France possédant des terres en Aquitaine, en Provence, en Flandre et en Allemagne est victime d’un incendie qui ravage  une grande partie de la bibliothèque.

1789-1793- Durant la Révolution  les moines sont chassés. L’église est transformée en manège. La châsse de Saint Remi ceinte  par une quinzaine de statues est ouverte, profanée. Les pillards volent les pierres précieuses, des lames d’or et d’argent. La Sainte ampoule  considérée « comme le hochet des sots, un instrument dangereux dans les mains des satellites du despotisme » est dérobée. Elle sera brisée par un révolutionnaire sur la place  royale rebaptisée place Nationale ; au piédestal de la statue de Louis XV ; aux cris de « Vive la République une et indivisible. »

La basilique le jour du couronnement de Charles X

1825.-Au moment du sacre de Charles X à la cathédrale, à  Saint Remi où une nouvelle châsse a remplacé la précédente,  la basilique  (redevenue église paroissiale après la Révolution) est tellement délabrée qu’on parle d’y détruire la nef  (de 126 m de longueur, aussi grande que Notre-Dame de Paris) pour ne plus conserver que le transept et le chœur. Comme la porte Mars, l’édifice est déclaré Monument historique. Durant dix ans,  (1842 à 1852) l’architecte de la ville Narcisse Brunette va notamment  rebâtir les étages supérieurs, le portail et la tour nord. La voûte de pierre est remplacée par une voûte de bois recouverte de plâtre.

C’est dans ce mausolée qu’est mis à l’abri la châsse de Saint-Remi.

En 1847 Saint Remi va encore changer de tombeau. En 1896, à l’occasion du XIV ème centenaire du baptême de Clovis réalisation d’une châsse en bronze dorée placée dans un mausolée . « La couronne de lumière », symbole de la Jérusalem céleste est refaite. Elle porte 96 bougies rappelant l’âge de la mort de Saint-Remi.

Après avoir servi de magasin, de caserne et d’ambulance l‘abbaye est transformé en hôpital civil de 1902 à 1914.

La basilique subit d’importants dégâts durant la première guerre mondiale.Le 1 août 1918 des obus incendient la charpente de l’édifice. Les fausses voûtes en bois et plâtre s’effondrent sur toute la longueur de la nef et une partie du transept. Les murs sont transpercés. Victimes des intempéries les bas-côtés sud s’effondrent en avril 1919.

La basilique est coupée en deux par un mur de 1918 à 1958. Restaurateur de la cathédrale Notre-Dame de Reims l’architecte Henri Deneux panse les plaies de la basilique. Il reconstruit avec des éléments de béton armé la charpente de Saint-Remi.

Et si c‘est en   1931 que la basilique a pu retrouver sa nef pour un premier office depuis 1911, il fallut attendre 1958 pour que le transept et l’abside de Saint Remi soit totalement rouverts.

Sans tambour ni trompette, car les chrétiens  faisaient ces jours là le deuil du pape Pie XII. Entre temps, les reliques de Saint Remi qui avaient été mises à l’abri en Belgique puis à Dijon en 1914 et 1920 étaient revenues à Reims une fois authentifiées.

Servant depuis les années cinquante de dépôt lapidaire, l’abbaye devient officiellement musée municipal en 1978.

Enfin la basilique a inauguré un orgue tout neuf en l’an 2.000 sorti de l’atelier Bertrand Cattiaux.

Chaque année, au mois de septembre, la célébration de Saint Remi donne l’occasion aux fidèles d’admirer l’embrassement d’un énorme lustre de six mètres de diamètre portant 96 bougies, à la mémoire du saint qui a vécu jusqu’à 96 ans.

Chaque année est organisée une procession avec la présentation de la châsse de Saint-Remi. Notre photo en 1962. photo A MOYAT
sans date photo A. MOYAT

Alain MOYAT

Laisser un commentaire