L’Hommage de Reims à un « Fusillé pour l’Exemple » : le Lieutenant Herduin

Rédigé par Béatrice Keller

Dans sa séance du 21 décembre 1921, le conseil municipal, réuni sous le présidence du maire Charles Roche, abandonne pour une fois les problèmes que pose la ville en pleine reconstruction.

Il rend un hommage unanime à un jeune officier rémois en donnant son nom à une rue : le lieutenant Herduin. La délibération dit : « L’opinion publique a été fortement émue, depuis plusieurs mois par cette lamentable affaire d’un modeste officier français que chacun représentait comme un bon et brave soldat et que des chefs criminels, dont l’unique but était, après un sanglant échec, de dégager leur responsabilité, firent exécuter froidement ».

L’affaire révèle l’un des aspects les plus tristes et les plus scandaleux  -que l’on a voulu longtemps occulter-  de la guerre de 1914-1918 : les « fusillés pour l’exemple

 » ou les « fusillés par erreur ». Le lieutenant Herduin était l’un d’eux. Son cas est particulièrement douloureux.

Portrait du lieutenant Herduin dans l'article le concernant, paru à la Une du journal l'Humanité le 30 juillet 1924 sur Gallica.bnf
Portrait du lieutenant Herduin dans l’article le concernant, paru à la Une du journal l’Humanité le 30 juillet 1924 sur Gallica.bnf

Henri Valentin Herduin est né à Reims le 5 juin 1881. Sa famille habitait rue Montlaurent.

Mobilisé en 1914, il est parti comme adjudant dans un régiment d’infanterie. Garçon intelligent, courageux, il ne tarda pas à conquérir ses galons d’officier.

En 1916, il était lieutenant commandant la 17e compagnie du 347e d’Infanterie de Ligne, en position devant Douaumont, au nord de Verdun. Le lieutenant se trouvait au cœur de la plus sanglante bataille de la Première Guerre Mondiale.

HHerduin3C’est l’enfer, la bataille fait rage. Le 9 juin, le bataillon dont fait partie la compagnie du Lt Herduin reçoit l’ordre de se lancer à l’attaque du fort de Douaumont. Une opération suicidaire. En effet, les hommes ont avancé d’à peine un kilomètre lorsqu’il sont encerclés par des forces allemandes nettement supérieures.

Le bataillon presque entier est fait prisonnier. Seuls les lieutenants Herduin et Millant réussissent à s’échapper de la masse avec 41 hommes et à regagner, au péril de leur vie, les lignes françaises.

Il est certain qu’une grave faute tactique a été commise en haut lieu. Mais il n’est pas question de désigner les vrais responsables de cet échec. Il faut trouver des coupables, « faire un exemple », ne serait-ce que pour reprendre les troupes en main. Tel est le point de vue du colonel Bernard, commandant le 347e. Comme il n’est pas question, selon lui, d’envoyer les 43 rescapés de l’offensive ratée au peloton d’exécution, il désigne les deux lieutenants et donne l’ordre de les passer par les armes.

HHerduin2Il n’y aura pas de jugement. Les deux hommes sont fusillés le surlendemain à l’aube, à Fleury. L’exécution sommaire dans toute son horreur.

Cette triste affaire ne sera rendue publique que la paix revenue. La Ligue des Droits de l’Homme est la première à s’émouvoir de cette exécution. Le cas du lieutenant est évoqué à la Chambre des députés et finit par impressionner le ministre de la Guerre, Louis Barthou, qui dans une lettre ambigüe, propose à la veuve du lieutenant Herduin une somme de 100 000 francs « à titre de réparation civile », la loi, précise-t-il, ne permettant pas la révision de l’affaire de son mari. On ne peut pas en effet, réviser un procès qui n’a pas eu lieu !

La délibération du conseil municipal de Reims, en ce 21 décembre 1921, est édifiante : « D’autres plus puissants, plus élevés en grade, étaient responsables de cet échec. Mais il fallait des victimes expiatoires. On sacrifia les plus petits, ces deux modestes officiers qui avaient eu le tort de ne pas se laisser prendre. Sans jugement, sans enquête, sans interrogatoire des deux malheureux, l’ordre de les fusiller fut donné sans qu’ils aient été invités à fournir la moindre explication (…) Ils furent exécutés sans avoir été inculpés ! Cette cruelle mise à mort de deux hommes, à l’arrière, sans jugement, peut-être qualifiée d’assassinat. »

Pauvre Henri Herduin ! s’il avait levé les bras devant les Allemands au lieu de percer l’encerclement avec quelques gars courageux, il aurait fini la guerre dans un camp de prisonniers. Prisonnier, mais vivant. Et il aurait retrouvé sa femme et son fils en 1918…

Source : « Reims Un Siècle d’Événements 1900-2000 » de Daniel Pellus, éditions Fradet.

On ne possède que très peu de photos du lieutenant, je remercie vivement M. Christophe Lagrange de m’avoir permis d’utiliser les 3 portraits publiés ici et que vous pouvez retrouver sur son site du 347e RI

Voici également le lien vers son autre blog concernant le 147e RI (Le 347e RI était le régiment de réserve du 147e RI de Sedan)

A Reims sur la plaque de rue, en dessous du nom du lieutenant Herduin, figurent ces mots : « Tué devant Verdun »…

Le 11 novembre 2008, la municipalité d’Adeline Hazan, a fait apposer cette plaque dans le carrefour de la rue du lieutenant Herduin avec la rue Gambetta :

HHerduin4

Herduin, rue du Lieutenant [1925]

<= 30-36, rue du Barbâtre, => 49-57, rue Gambetta.
235 mètres de longueur.
Du fait de l’existence, à l’époque, du boulevard Gerbert, la rue Gerbert aurait due être débaptisée en 1921 à la demande de la Section rémoise de la Ligue des Droits de l’Homme et du Citoyen, l’opinion publique ayant été fort émue par la lamentable affaire du Lieutenant Herduin, évoquée devant l’Assemblée nationale. Cependant, malgré la lettre du ministre de la Guerre, le ministre de l’Intérieur refusa, le 15 mars 1922, de ratifier la décision du Conseil municipal et le nom ne fut officialisé qu’en 1925 pour le prolongement de la rue Gerbert que l’on venait d’ouvrir.

(1881-1916). Tué devant Verdun. Né à Reims, 161, rue du Barbâtre, le 5 juin 1881, fusillé le 11 juin 1916. Gustave Henri Valentin Herduin, fut exécuté, avec le lieutenant Millant, à la suite d’une faute grave de tactique, sans jugement, sans enquête et sans interrogatoire. Le lieutenant Herduin fut officiellement réhabilité et le ministre de la Guerre, Louis Barthou, écrivit le 16 novembre 1921 à sa veuve : Votre mari, très bien noté et décoré, au cours même de la guerre, de la médaille militaire, était un officier courageux dont vous pouvez, votre fils et vous, porter le nom avec honneur ! Il épousa, en 1907, Fernande Renée Nivoix. Il repose au Cimetière de l’Est depuis le 11 novembre 1920.

Source : J-Y Sureau : La Vie Rémoise 

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