Les fonds Strohm & Diblik

Par Daniel Tant, paru dans le bulletin Champagne Généalogie n°135 – 2e semestre 2012
Archives Municipales de Reims

En 1886, M. Courleux crée un studio photographique au 32 rue du Faubourg Cérès devenu le 42 de l’avenue Jean-Jaurès et loue à la société Wamier-David. Nous n’avons que peu de renseignements sur son activité sinon qu’il y loge avec son beau-frère, Christian Strohm qui lui rachète le fond en 1903.

L’immeuble est composé au rez-de-chaussée d’un atelier de 9m X 4m, un salon, un grand chartil, un petit jardin, une buanderie, un petit laboratoire et des W.C. Au premier étage : 4 belles chambres à coucher, un petit cabinet de débarras, 3 petites pièces pour des labos photos. Sans oublier un grenier, 3 mansardes et deux caves. Dans le premier quart du vingtième siècle, la maison bénéficie de l’eau et l’électricité. Le gaz est en cours d’installation. Son bail sur vingt ans est de 4500 f.

Jacques Christian Strohm von Dürrheim naît à Schwenningen dans le Wurtemberg le 8 août 1872. En 1900 il rend visite à sa demi-sœur Joséphine Courleux à Reims. Joséphine est l’épouse de Victor Courleux. Tous deux viennent de perdre leur fils unique.

Christian Strohm reste près d’eux à Reims et peu à peu se perfectionne auprès de son beau-&ère dans l’art de la photographie.

En 1902, il fait une demande de séjour en France avec option de naturalisation qu’il obtient le 15 mars 1904 sous le noms de Christian Strohm.

Jusqu’au décès de Victor Courleux, il laissera le nom de ce dernier sur l’enseigne du magasin : « Photographie Courleux succ. Ch. Strolun ». L’enseigne portera ensuite l’inscription « Strohm, succ, de V, Courleux ». En 1919 le nom Strohm figurera seul.

Pendant la Grande Guerre il est mobilisé au 8e escadron du train des équipages en région parisienne.

A son retour à Reims en 1919 il s’installe au 2 rue Bonhomme pendant les travaux de réhabilitation de sa maison.

Énergique et entreprenant, il développe entre 1905 et 1910 considérablement l’activité de son commerce : il perfectionne la photographie d’art, promeut la photographie populaire, vend des articles pour photographes amateurs et couvre différents évènements à Reims et dans les alentours (carnaval en 1908, collège des athlètes au parc Pommery,…}.

Pour le seconder, il engage du personnel. Ses employés seront au nombre de 6 en 1921. En 1924, Christian Strohm emploie un premier tireur à 640 fr par mois, un second à 400 f, une demoiselle de magasin (blessée de guerre) à 360 f, un garçon de 14 ans, une femme de ménage, une petite retoucheuse en ville et une retoucheuse à Paris.

Mais la même année, il décide de se retirer. Son épouse est malade depuis 3 ans, et lui à 51 ans, n’ayant jamais arrêté de travailler depuis 1903, « est plus que fatigué« , d’autant qu’il a un fils de 15 ans. 11 entre en contact avec 9 acheteurs potentiels. Pour le fond il demande 90 000 frs, marchandise en plus, mais au moins 50 000 frs d’acompte. La tractation est difficile car il a appris, le 2 février, que son immeuble est frappé d’alignement. Mais il se veut rassurant en prétendant « qu’il y sera appliqué que dans 5 à 6 ans..-« . Il écrit même, le 30 septembre que « notre alignement, c’est remis aux calendes grecques » et que la société Warnier- David, eu sa qualité de propriétaire de l’immeuble, s’engage à ce que les travaux puissent continuer sans interruption, et qu’il garantit de ne jamais changer de place (en face de l’église Saint- André) et de fournir un logement équivalent. Les arguments de vente ne manquent pas : il est « prêt à faire un sacrifice pour un jeune homme sérieux, qui aurait un avenir magnifique car Reims embellit à vue d’œil Nous n’avons pas de concurrent sur tout un rayon d’à peu près trois km et la population est très forte…« …  » Notre maison 4 boulevard Gerbert n’étant pas louée encore, il nous serait facile de vous laisser la place libre.« …  » Nous ne voudrions jamais faire de la dissimulation, c’est trop scabreux et puis nous ne voudrions pas être malhonnêtes, cela porte malheur… »

Finalement, en fin septembre 1924 il trouve un acquéreur. Le 25 il écrit à Jean Diblick (sic). 7bis rue de la Bienfaisance à Vincennes. Un peu plus tard, il écrit à ce même M. Dilibik (sic)… C’est d’autant plus cocasse que lui-même, le 9 mars, a retourné des caries de visite en se plaignant que son nom « y était orthographié Krohm et non Strohm ».

Le 19 novembre, il annonce à Jean Diblik, que le propriétaire refuse de prolonger le bail de 4 ans. Il ne « sera donc que de vingt ans. C’est déjà bien joli« , Puis il rappelle aux établissements Warnier-David, que « monsieur A. Warnier m’avait promis verbalement qu’avec l’augmentation du prix du bail nouveau, l’on me ferait monter un atelier de pose au-dessus de l’autre..« , Finalement, le 24 novembre : il écrit à m. Diblik pour lui annoncer que « nous pourrions traiter quand même avant d’en être en possession (du bail) car, même au cas où il ne vous conviendrait pas, vous pourriez toujours vous servir du mien, vu que j’ai le droit de céder d’après une des clauses indiquées dessus…

Le 27 novembre, un projet de bail est adressé à jean Diblik, pour la période du 24 décembre 1924 jusqu’au 24 juin 1945. Cette fois, c’est au locataire de débattre de ses intérêts avec le juge d’expropriation. « Ils souffriront les grosses réparations et même les reconstructions, s’il y a lieu, qui pourront devenir nécessaires.. Ils ne pourront réclamer aucune indemnité ni diminution de loyer si les travaux dépassent 40 jours… » « Etant rappelé que l’immeuble est frappé d’expropriation les preneurs, pendant toute la durée du bail ne pourront exiger des bailleurs d’aulres réparations que celles de la toiture, et ils feront à leurs frais les travaux d’entretien, d’appropriation et d’embellissement qu’ils jugeront nécessaires.

Enfin, le 19 décembre 1924, Christian Strohm écrit à monsieur le Curé :  » Nous avons bien pire que la maladie du sommeil, bien pire que la grippe, aussi pire que d’hérité d’un million, nous avons déménagé ‘!! nous avons un successeur qui prend possession demain !!! …notre remplaçant qui d’ailleurs étant depuis 15 ans dans la partie el sa femme depuis 5 ans, est aussi bien ei peut-être mieux que nous à la coule de la photo… « .

Le 27 décembre, Jean Diblik signe sa première lettre commerciale.

Après la vente de son magasin, Christian Stohm continuera, mais à titre privé, son métier de photographe, faisant des portraits, couvrant les évènements familiaux de sa famille, de ses amis, Émile Vogt docteur en pharmacie ou Mr. Fresson grand-père du comédien Bernard Fresson, ou encore C. Heidsieck, plusieurs chanoines et prêtres.

A partir de 1926 il achète une maison avec jardin dans le quartier Sainte- Anne et se consacre aussi beaucoup à ce quartier.

De père protestant et de mère catholique, il optera pour la religion de sa mère et sera un catholique fervent. Il participe activement à la vie du diocèse de Reims, côtoie les cardinaux Luçon et Suhard, est porteur de la châsse des reliques de saint Remi jusqu’en 1948.

Il décède en novembre 1949.

Dans le fonds 29 W 167, nous trouvons sous le numéro 5707 le permis de construire de l’immeuble sis au 42 avenue Jean Jaurès. Le propriétaire est toujours la société Warnier-David et l’architecte se nomme François Maille. Déposé le 27 juillet 1927, il concerne la construction d’un magasin, d’une garage et d’une habitation.

Sur le plan de la façade, l’architecte a écrit sur la porte du magasin, le nom de « Diblic » Depuis 1981, l’atelier de Jean Diblik était resté en l’état, le matériel, les produits, la publicité, les photos se couvrant de poussière.

Après de longues tractations, M. Jean Diblik (le fils) signe le 23 octobre 2003, une donation d’un ensemble de clichés photographiques sur plaques de verre et sur films, ainsi que des dossiers et objets divers provenant de son père, photographe ayant exercé à Reims entre 1924 et 1981.

L’ensemble se compose de 87 000 clichés de différentes dimensions, de nombreux registres, répertoires, et articles divers.
Le déménagement a duré près d’une semaine !.

Jean Diblik est né à Bmo en Théchoslovaquie en 1890, Ce Tchèque est devenu Français après avoir servi notre drapeau dans la Légion étrangère pendant la Première Guerre mondiale. En achetant le fonds Strohm, il a récupéré les plaques photographiques de son prédécesseur, d’où la séparation en deux fonds distincts : Strohm et Diblik. Il nous manque cependant, pour le fonds Diblik, les livres de poses correspondant à la Seconde Guerre mondiale car ils ont été saisis pendant l’occupation.

Jean Diblik est décédé en 1981.

Dans le fonds 16S des Archives municipales et communautaires de Reims, 6 rue Robert Fulton, une partie des clichés est constituée essentiellement de portraits.

Les informations qui figurent dans les livres de pose : numéro de cliché, date, nom et adresse de la personne ayant passé la commande, apportent des informations précieuses, car très souvent la personne qui a laissé son adresse est celle ayant été photographiée.

Vous pouvez consulter la liste des noms de famille aux Archives Municipales

Bibliographie : Informations extraites du registre 7071 du fonds Diblik ; « copie des lettres 1923-1925 de Christian Strohm« ,

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