Les magasins de laines avant 1914 impasse du Levant à Reims.

Par Hervé Paul

L’impasse du Levant à Reims débouche aujourd’hui sur la rue Marie-Stuart (anciennement rue du Levant créée en 1845), quartier marqué avant la Première Guerre mondiale par l’industrie textile et les métiers qui s’y rapportent (tissage, feutre, teinture, négoce, etc.).

À Reims au XIXe siècle, l’industrie textile fortement développée emploie des milliers de personnes. Cinq maires de Reims et deux députés au XIXe et début XXe siècle sont des industriels de la laine.

Depuis 1832, un Marché aux laines de France se déroule six fois par an place de la Couture (actuelle place d’Erlon) avant d’être déplacé à partir de 1891 rue du Levant près de la Fabrique de Reims réunissant un ensemble de négociants en laine et en tissus, acheteurs de matières premières ou de produits manufacturés.

Par sa demande du 15 mai 1891, Charles Loilier, mon arrière-grand-père, soutenu par un collectif de professionnels certifiant qu’il « possède les capacités professionnelles nécessaires pour procéder aux ventes publiques de laines en gros″, demande son inscription « sur la liste des courtiers de marchandises chargés de procéder aux ventes aux enchères et en gros″ auprès du président et des juges composant le Tribunal de Commerce de Reims.

Demande d’inscription de Charles Loilier
sur la liste des courtiers de marchandises, 15 mai 1891.
Archives  familiales.

Le 26 mai 1891, Charles Loilier prête serment et jure de remplir avec honneur et probité les fonctions de courtier assermenté auprès du tribunal de Reims. Il crée dans la foulée le marché central des laines de Reims et Roubaix, centralisant les ventes publiques de laines impasse du Levant.

Extrait des minutes du greffe du tribunal de commerce de Reims, 26 mai 1891.
Archives  familiales.

Affiche annonçant une vente le 18 juin 1892.
Archives familiales.
Plaque de cuivre placée à l’entrée du marché central des laines, impasse du Levant.
Photo Hervé Paul, archive familiale.

Les bombardements du 19 septembre 1914 ont non seulement provoqué l’incendie de la cathédrale de Reims, mais aussi la destruction des environs proches. Ainsi, dès le début de la guerre, le marché central des laines est réduit à néant. Mon arrière-grand-père a conservé les cartes postales représentant son entreprise détruite. Sur celle montrant l’entrée de l’impasse du Levant, au-dessus de l’affiche sur le pilier droit, on voit, l’emplacement de la plaque de cuivre qu’il a conservée, « MARCHE CENTRAL REIMS & ROUBAIX″.

Il écrit à un cousin possédant des titres de sa Société : « Une partie de la comptabilité a été détruite pendant l’incendie de nos magasins, le principal a été sauvé… Les affaires de la Société ayant été presque nulles depuis la guerre et menacées de l’être complètement par suite de la réquisition des cuirs & des laines par l’Intendance, nous ne dresserons le bilan qu’à la fin des hostilités et je crains que malheureusement il n’y ait pas grand-chose à toucher comme intérêts.

Du fait de la destruction de son entreprise rémoise, Charles Loilier installe ses bureaux à Paris dans le cinquième arrondissement, 34bis boulevard Saint-Marcel.

Le ministère de la Guerre le charge de réquisitionner laines et cuirs principalement dans l’ouest de la France au profit de l’armée. Pour se rendre à Reims et autres villes à proximité du front, Charles doit faire une demande à chaque fois par lettre au général commandant la 5e Armée à l’adresse « En campagne″, de bien vouloir lui renouveler l’autorisation de se rendre  « à Fismes, Jonchery, Gueux, Thillois,Pargny et Reims, aller et retour en chemin de fer et en voiture attelée pour les besoins du service de la réquisition dont je suis chargé par l’Intendance… Inclus ma précédente autorisation.″ 

À son retour à Reims après la guerre, le marché aux laines s’installe rue de l’abreuvoir. L’ancien quartier de l’impasse du Levant devient progressivement une zone résidentielle. Charles Loilier poursuit sa mission jusqu’en 1930, âgé de près de 78 ans.

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